Sous-traitance en formation : éléments de la richissime Master class de Centre Inffo animée par Fouzi Fethi et Valérie Michelet
Auteures : Esther Gagneux et Sandrine Baslé publié le 8 juillet 2024 (mis à jour le 15 août 2024)
Le sujet de la sous-traitance en formation est un sujet sensible, en particulier en raison de l’existence de certaines pratiques frauduleuses.
Depuis les dernières législations sur le CPF, il est important de préciser ce qui est de la sous-traitance et ce qui n’en est pas. La qualification de contrat de sous-traitance a aussi des conséquences dans le cadre de la certification Qualiopi.
Centre inffo a organisé une Master Class en ligne le 14 mars 2024 sur les nouvelles mesures applicables à la sous-traitance dans le cadre du CPF. Voici un résumé des principaux enseignements de cette Master Class.
Qu’est-ce que la sous-traitance en formation ?
Tout d’abord, ce qui n’est pas de la sous-traitance :
Les organismes de formation peuvent avoir recours à des formateurs internes et à des formateurs externes. La ressource interne correspond au salariat ou parfois au bénévolat.
Le prêt de main d’œuvre, très réglementé en France, est un type de ressource externe qui n’est pas de la sous-traitance : intérim, portage salarial. En cas de non respect de la législation, c’est un « prêt illicite de main d’œuvre ».
Alors, qu’entend-on par sous-traitance ?
La sous-traitance est définie par la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance : « la sous-traitance est l’opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant l’exécution de tout ou partie du contrat d’entreprise ou d’une partie du marché public conclu avec le maître de l’ouvrage » (article premier).
Cette définition s’applique à toutes les relations commerciales, quel que soit le secteur.
La sous-traitance est donc une relation triangulaire, et elle implique deux contrats de prestation de service.
Les trois protagonistes sont :
- le client qui a acheté une formation ;
- l’organisme qui n’a pas les ressources en interne et est donneur d’ordre ;
- l’autre entrepreneur auquel on fait appel et qui est le sous-traitant.
Le contrat qui unit le client au donneur d’ordre doit absolument décrire très précisément les tâches. Cela permet ensuite de répartir celles qui incombent au sous-traitant et celles qui sont prises en charge par le donneur d’ordre.
Ainsi, le contrat de sous-traitance doit décrire les missions confiées au sous-traitant, en définissant très précisément chaque tâche.
Les sous-traitants sont tous obligés de procéder à la déclaration d’activité
L’article L.6351-1 du code du travail précise que toute personne qui réalise des actions concourant au développement des compétences dépose auprès de l’autorité administrative une déclaration d’activité, dès la conclusion de la première convention de formation professionnelle ou du premier contrat de formation professionnelle.
Il faut se déclarer si l’on rend effective une action de formation, si l’on est dans la réalisation. Cela concerne l’une des quatre catégories :
- les actions de formation : il est possible de sous-traiter une partie ou l’intégralité
- la validation des acquis de l’expérience : il est possible de sous-traiter une partie ou l’intégralité
- le bilan de compétences : c’est un tout, unique, en trois étapes ; on ne peut pas en sous-traiter une partie mais seulement son intégralité
- l’apprentissage : il est possible de sous-traiter une partie ou l’intégralité
Le sous-traitant, puisqu’il est considéré comme un organisme de formation, est soumis à toutes les obligations mentionnées au titre V du livre III de la sixième partie du Code du travail, comme par exemple de renseigner le bilan pédagogique et financier (BPF).
Stéphane Rémy, sous-directeur des Politiques de formation et du contrôle à la DGEFP, explique qu’il est important de pouvoir identifier le marché de la formation professionnelle, d’où l’obligation de déclaration. La plupart des sous-traitants se déclarent déjà et respectent cette obligation. Stéphane Rémy rappelle, d’ailleurs, que c’est une démarche plutôt simple.
A part dans le cas du CPF, la sous-traitance « en cascade » n’est pas en théorie interdite, mais le donneur d’ordre est responsable de ce que fait le sous-traitant. De plus, toujours hors segment CPF, un sous-traitant qui n’est que sous-traitant n’a pas obligation d’être certifié Qualiopi.
Le décret du 28 décembre 2023 renforce l’encadrement de la sous-traitance dans le cadre du CPF
En ce qui concerne le CPF, avec le nouveau décret publié au Journal officiel le 30 décembre 2023, le donneur d’ordre est encore plus responsabilisé, car il s’agit de fonds publics. Les fraudes au CPF ont conduit la DGEFP à accélérer ce mouvement.
Cécile Bertrand, cheffe du pôle CPF à la DGEFP, explique que ce décret est le résultat d’une longue concertation. De plus, il y a eu un vote favorable à l’unanimité des partenaires sociaux sur le projet de texte.
Le recours à la sous-traitance pour un prestataire référencé sur la plateforme « Mon compte formation » est possible, mais le décret prévoit un plafond : celui-ci a été fixé dans un arrêté du 3 janvier 2024 à 80% du chiffre d’affaires réalisé sur la plateforme. Le décompte est global, ce n’est pas un plafond par sous-traitant : il est possible par exemple de sous-traiter à 100% une action, tant que les 80% sont respectés globalement.
Par ailleurs, le sous-traitant d’un prestataire référencé sur « Mon compte formation » ne peut pas lui-même sous-traiter (sous-traitance en cascade). Le prestataire ne peut pas non plus sous-traiter à un organisme qui a été déréférencé pour manquement (une liste des prestataires sera disponible).
L’idée est que le prestataire référencé sur la plateforme doive réaliser au moins une partie en direct, et donc être un véritable organisme de formation. C’est essentiel pour lutter contre les « coquilles vides ».
De plus, le sous-traitant d’un prestataire référencé sur la plateforme doit être certifié Qualiopi, sauf l’exception d’une personne physique qui a opté pour le régime micro-social et qui ne dépasse pas le chiffre d’affaires autorisé par ce régime fiscal, soit aujourd’hui 77 700 euros.
Les CGU de la plateforme doivent être respectées à la fois par le donneur d’ordre, par le sous-traitant et par le stagiaire. Cela protège tout le monde.
Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er avril 2024.
Quelques éléments encore à préciser
Sur Qualiopi :
Le guide de lecture Qualiopi pourra apporter des précisions sur la manière dont on aménage sa lecture pour un formateur indépendant qui n’agit qu’en sous-traitance, par exemple. Pour cela, le contrat de sous-traitance sera fondamental pour préciser quelles missions exactement ont été confiées et par conséquent savoir quels indicateurs sont applicables à qui. Certains indicateurs concernant l’amont ou l’aval pourraient parfois ne pas être applicables aux sous-traitants.
En réalité, avec l’indicateur 27 de Qualiopi, le donneur d’ordre avait déjà, avant le décret de décembre 2023, la responsabilité de vérifier le respect de cette certification.
Cependant, pour l’instant, la décision de quels indicateurs s’appliqueront ou non aux sous-traitants semble assez floue et au cas par cas.
Sur l’application et le contrôle du plafond de 80% :
Centre inffo indique, dans les FAQ, que les modalités pratiques du plafond de 80% feront l’objet de précisions : comment sera appliquée cette restriction ? C’est encore assez flou.
En conclusion, l’objectif de ces nouvelles mesures est de clarifier et renforcer certains mécanismes qui étaient déjà bien présents dans le secteur de la formation professionnelle, avec comme idée principale de lutter contre d’éventuels abus. La question des contrôles permettra de déterminer l’efficacité dans l’application de ce décret.
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